21/09/2017
Wallace Stegner : L’Envers du temps
Wallace Earle Stegner (1909-1993) est un écrivain, romancier et historien américain. Né dans l'Iowa, il grandit dans le Montana ainsi qu'à Salt Lake City dans l'Utah et dans le sud de la Saskatchewan. Il a enseigné à l'Université du Wisconsin et à Harvard avant de s'installer à l'Université Stanford où il crée un cours d'écriture créative. Il a été le professeur d'étudiants comme Edward Abbey, Thomas McGuane, Ken Kesey et Larry McMurtry. L’Envers du temps (1979) inédit jusqu’à ce jour, vient de paraître.
Bien que considéré comme un romancier écologiste, ce livre n’a rien à faire dans une collection Nature Writing et je ne fais pas là un procès à l’éditeur - qu’au demeurant j’apprécie beaucoup – mais dans le souci d’éclairer un éventuel lecteur. Il n’y a pas ici l’ombre du début de l’esquisse d’un roman de Nature Writing… nous serions plus, mais prenez-le avec des pincettes et des guillemets maousses, proches d’une Virginia Woolf, en plus accessible.
Bruce Mason, le narrateur, est un ambassadeur à la retraite installé à San Francisco. Le décès de sa tante le ramène à Salt Lake City, le temps de l’enterrement, une ville qu’il a quittée en 1932, soit depuis plus de quarante ans et où il a vécu sa jeunesse.
Ce retour inopiné dans la ville qui l’a vu grandir amène Bruce Mason à revivre son passé et se confronter au jeune homme qu’il fut. Sa visite de la cité au volant de sa voiture, ravive des trajets effectués jadis et lui remet des évènements qu’il pensait oubliés en mémoire. Le moindre petit rien éveille un souvenir, « un simple effleurement, et l’épiderme se souvenait ». Il revit donc son enfance auprès de ses parents aujourd’hui décédés, son père détesté tenancier de bar clandestin ou bootlegger itinérant, sa mère chérie complice du fils face à leur triste existence.
Mais il y a aussi cette boite, léguée par sa tante, qui une fois ouverte va s’avérer boite de Pandore, ressuscitant le jeune homme amoureux de Nola, son grand amour d’alors, les virées avec Bailey son copain dessalé ou son ami Mulder. Le narrateur, avec son œil d’aujourd’hui tente de mieux cerner les évènements et les situations d’hier et l’écrivain de disséquer les rapports homme/femme comme ils se présentent parfois.
L’ambassadeur retraité se revoit, gamin malingre alors et souffrant d’un complexe d’infériorité, pris entre un père étranger à sa famille, un copain Bailey trop sûr de lui et bien plus mature et cette vie avec Nola qu’il n’aura pas eue, le laissant célibataire à jamais. Son très court séjour à Salt Lake City sera l’occasion pour Mason de régler définitivement son compte à ce passé trop pesant.
Le roman est relativement dense, très bien écrit, assez détaillé (surtout concernant les vêtements !) avec des astuces narratives qui en épicent la lecture et nous donnent finalement un très bon livre, très fin et qui touche par sa nostalgie induite.
« Dangereux de presser le tube de la nostalgie. Impossible d’y remettre le dentifrice. Le risque était qu’il finisse par verser dans la confusion. Car les côtés sombres qu’il ne pouvait manquer de se remémorer concernant cette ville étaient au moins aussi nombreux que les aspects sentimentaux et plaisants, et le seul fait de chercher à s’y soustraire les faisait remonter à la surface. S’il leur donnait libre cours, ils pouvaient revenir en masse comme des mouches d’automne contre la fenêtre d’un grenier. »
Wallace Stegner L’Envers du temps Gallmeister – 360 pages –
Traduit de l’américain par Eric Chédaille
07:53 Publié dans Etrangers | Tags : wallace stegner, edward abbey, thomas mcguane, ken kesey, larry mcmurtry, virginia woolf | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |